La Feuille de route économie circulaire (Frec) conforte une nouvelle fois la stratégie nationale de tri à la source des biodéchets, en droite ligne de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Parmi ses 50 mesures, plus d’une dizaine touchent à la filière biodéchets, et 3 apparaissent comme structurantes pour son développement futur.
(1) Créer un pacte de confiance avec le monde agricole
La première de ces mesures vise à « valoriser tous les biodéchets de qualité et à permettre au secteur agricole d’être moteur de l’économie circulaire ». En reprenant les conclusions des Etats généraux de l’Alimentation (EGA), cette mesure crée un nouveau pont entre l’agriculture et l’environnement. Détenteurs des terres agricoles et garants de leur valeur agronomique, les agriculteurs sont les premiers concernés par le souci de la qualité, de la traçabilité et de la transparence des filières d’épandage. Ainsi, en mettant les agriculteurs au cœur de cette économie circulaire, on assure le développement d’une filière pérenne de valorisation des biodéchets.
La généralisation du tri à la source des biodéchets repose sur la construction d’un pacte de confiance réunissant l’Etat, les collectivités et le monde agricole. Pour y parvenir, la FREC propose de renforcer les normes existantes et de favoriser la sortie du statut de déchets des matières fertilisantes. Nos collectivités y sont favorables. Il s’agit en réalité d’une urgence car les seuils des normes actuelles ne sont plus en adéquation avec les exigences du monde agricole, et l’absence de contrôles extérieurs suscite toujours un doute sur la qualité des produits mis sur le marché.
En posant pour principe de veiller « à ne pas dégrader la valeur créée par l’effort de tri par mélange de matières organiques non contaminées (brutes ou triées à la source) avec des biodéchets de qualité moindre », la FREC confirme l’interdiction « de mélanger des biodéchets triés avec d’autres déchets n’ayant pas fait l’objet d’un même tri ». Remélanger les biodéchets triés à la source avec la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM) triée mécaniquement tombe sous cette interdiction.
(2) Adapter la fiscalité déchets
La FREC propose également d’« adapter la fiscalité pour rendre la valorisation des déchets moins chère que leur élimination ». D’abord, les réductions de TGAP contradictoires avec la volonté de trier les biodéchets seront supprimées. En effet, les réfactions pour la valorisation du biogaz et l’exploitation en mode bioréacteur des centres d’enfouissement envoyaient un message contraire au détournement de la matière organique et avaient pour effet pervers de favoriser l’enfouissement des biodéchets. Outre la suppression de ces réfactions, les tarifs de base pour l’élimination par enfouissement ou incinération devraient progresser à partir du 1er janvier 2020 pour atteindre 65€/t d’ici 2025. Toutefois, une réfaction serait maintenue pour la valorisation énergétique par incinération.
Ici, notre Réseau estime que la valorisation énergétique devraient être la norme en enfouissement comme en incinération. Dans cette logique, les installations d’élimination avec valorisation énergétique devraient êtres soumises au taux de base et celles sans valorisation devraient avoir à payer une TGAP plus élevée. Seule la qualité des déchets apportés devrait permettre de bénéficier d’une TGAP réduite. En effet, incinérer une tonne de biodéchets ne devrait pas coûter moins cher que de l’enfouir, qu’il y ait ou non valorisation énergétique.
Enfin, l’Etat prévoit de « réduire le taux de TVA à 5,5% pour la prévention, la collecte séparée, le tri et la valorisation matière des déchets ». Cette mesure permettra d’atténuer l’augmentation de la TGAP, voir peut-être de la compenser dans le cas des collectivités les plus performantes. Quoiqu’il en soit, cette mesure était attendue par la filière biodéchets dont les sacs compostables sont soumis au taux normal alors que les sacs jaunes de collecte des emballages bénéficient d’un taux réduit. Notre réseau avait fait remonter cette incohérence à plusieurs reprises auprès du ministère de la transition écologique et solidaire.
(3) Lancer une campagne nationale de communication
La FREC propose en lien avec l’ADEME de « communiquer à destination du grand public sur tri à la source des biodéchets ». Cette mesure est essentielle car, contrairement aux filières soumises au dispositif de REP, la filière biodéchets ne dispose d’aucune structure pour assurer cette mission. Nos collectivités sont convaincues que le retour à la terre pour une agriculture et une alimentation durable sera le message autour duquel devra se fonder cette campagne.
L’harmonisation des consignes et des couleurs de tri, aussi repris par la FREC, contribuera à la clarté d’un message national. Le brun, qui rappelle le compost, est déjà majoritairement employé par les collectivités de la filière.
La communication auprès du grand public est une première étape mais il ne faut pas oublier les professionnels, à l’origine de grandes quantités de biodéchets, et visés depuis 2012 par une obligation de tri. L’objectif rappeler dans la FREC est bien que les règles soient les mêmes « sur tout le territoire, aussi bien dans les foyers et les entreprises que dans l’espace public ».
Pour aller plus loin, la FREC propose d’« accompagner les élus et les collectivités territoriales dans le développement de stratégies de territoire de l’économie circulaire en améliorant notamment leur connaissance sur les enjeux liés à l’économie circulaire et plus particulièrement le recyclage des biodéchets ». Le portage politique est le point de départ pour tout projet de tri à la source des biodéchets. Ce postulat est largement vérifié au sein de notre Réseau. La formation des élus à ces nouveaux enjeux apparaît donc comme une des priorités pour atteindre l’objectif de généralisation du tri à la source des biodéchets. Conscientes de ce besoin, nos collectivités soutiennent cette mesure et sont prêtes à y travailler pour que le politique puisse pleinement prendre en main la question du détournement de la matière organique dans les années à venir.
Pour conclure, le réseau est très satisfait des orientations prises en faveur du tri à la source des biodéchets. Travailler en synergie avec le monde agricole et viser un haut niveau de qualité sont incontournables pour pérenniser le retour au sol de la filière biodéchets. Il s’agit aussi de valoriser l’effort des usagers et de donner du sens au geste de tri, ce qui pose aujourd’hui l’enjeu des mélanges. Adapter la fiscalité à la nouvelle réglementation sur les déchets était aussi une priorité. On peut considérer les mesures prises sur la TGAP déchets comme une remise à plat du système. Cette étape était un préalable nécessaire avant d’ouvrir la voie à l’élaboration d’une TGAP basée sur la qualité des déchets. D’autres mesures visant à établir la liste des déchets acceptés en élimination ou encore à contrôler les obligations de tri vont d’ailleurs dans ce sens. Enfin, la communication nationale auprès du grand public est une immense opportunité que nous ne devons pas manquer. Doubler d’un accompagnement des élus, cette communication devrait accélérer le passage à l’acte des territoires.