Depuis leur lancement dans la collecte séparée des biodéchets au milieu des années 2000, les collectivités du réseau Compostplus ont rapidement compris la nécessité de produire des composts de haute qualité. Elles ont perçu très tôt l’enjeu d’un retour au sol de qualité garantissant dans le temps une réponse adaptée aux besoins du monde agricole. Ainsi, elles se sont trouvées toujours très en avance vis-à-vis des exigences réglementaires nationales, notamment celles de la norme NF U 44-051 datant de 2006. Destinée à encadrer leur marquage, cette norme ne permet pas d’évaluer la qualité des amendements organiques et constitue plutôt une norme plancher.
Devant l’absence d’une reconnaissance réglementaire, nos collectivités ont alors créé en 2014 le référentiel qualité ASQA, Amendement Sélectionné Qualité Attestée, en partenariat avec des représentants du monde agricole, notamment la Chambre d’Agriculture de France.
Aujourd’hui, les plateformes labellisées sont auditées chaque année par un organisme de contrôle indépendant et apportent la preuve de la qualité supérieure à la norme des composts issus d’une collecte séparée des biodéchets.
UN SOCLE COMMUN, UNE NÉCESSITÉ PARTAGÉE PAR DE NOMBREUX ACTEURS DE LA FILIÈRE
Actuellement, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a engagé un projet de socle commun d’innocuité pour encadrer la qualité de l’ensemble des matières fertilisantes et supports de culture, quelle que soit leur origine. Compostplus soutient cette démarche depuis le départ. Suite à la première consultation des parties prenantes, le réseau a notamment piloté la rédaction d’une contribution collective avec un grand nombre d’acteurs qui partagent à la fois le même constat et les mêmes objectifs de qualité pour la filière (voir l’encadré sur la droite).
Pour tous ces acteurs, le projet de socle commun est nécessaire pour assurer la pérennité de la filière biodéchets dont le cadre réglementaire est devenu obsolète :
- des exigences qualité insuffisantes, notamment sur les plastiques,
- un manque de traçabilité des matières,
- l’absence de contrôles extérieurs, donnant lieu régulièrement à des problèmes d’acceptation et engendrant une défiance de plus en plus forte du monde agricole vis à vis des produits issus de la valorisation des déchets organiques.
Cette situation tire vers le bas l’ensemble de la filière dans une période où les questions d’alimentation et de traçabilité de la chaîne de production n’ont jamais été aussi fortes. Nos plateformes sont pleinement engagées au côté du monde agricole, non pas dans une démarche de se « débarrasser » de leurs produits mais bien d’apporter des éléments de réponse aux questions de la matière organique dans les sols et des besoins du monde agricole. Nous devons comprendre que les agriculteurs ne sont en rien dépendants des matières issues de nos filières, dont les volumes sont très marginaux par rapport à celles d’origine agricole et industrielle. Ainsi, le retour au sol de nos déchets ne doit pas être considéré comme un acquis inaliénable. Celui-ci repose en réalité sur une simple relation de confiance, bien plus facile à perdre qu’à gagner…
Le socle commun n’est donc pas un besoin mais une nécessité pour renforcer cette confiance.
CLASSER POUR MIEUX SÉCURISER LES FILIÈRES
Dans ce contexte, le socle commun proposé par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation prévoit la création d’un classement des matières selon la grille suivante :
- A1 : les matières répondant à peu de chose près au cahier des charges du règlement UE sur les fertilisants (avec quelques légères adaptations provisoires sur certains métaux lourds),
- A2 : les matières répondant à un cahier des charges moins exigeant, proche de la norme NFU 44 051,
- B : les matières destinées à être épandues dans le cadre d’un plan d’épandage.
Si la classification constitue un bon moyen pour aider les utilisateurs à y voir plus clair et les producteurs à mieux valoriser la qualité de leur compost, cette proposition est insuffisante.
D’abord, dans la dernière version des textes proposée par le Ministère, le statut des matières de la catégorie A1 reste flou. Il sera nécessaire de clarifier si des produits et des déchets pourraient appartenir ensemble à cette même catégorie. Ce point a été soulevé lors de la dernière réunion des parties prenantes et semble avoir été relevé comme un point d’amélioration.
En effet, une classification dans laquelle on mélangerait déchets et produits pourrait s’avérer inefficace tant pour les utilisateurs que pour les producteurs, d’autant plus lorsqu’une partie des matières concernées présentent d’importantes restrictions d’usages (interdiction des boues en Agriculture Biologique ou pour la sortie du statut de déchet via les normes, interdiction de la production de “compost” à partir des OMR à partir de 2027).
Pour redonner du sens et de la clarté à cette classification, et répondre ainsi aux exigences du monde agricole comme à l’objectif de pérennité de nos filières, Compostplus a proposé au Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation les améliorations suivantes :
– A minima, distinguer les produits des déchets en réservant la catégorie A1 à la seule sortie du statut de déchet,
– Aller plus loin dans la clarification et la transparence en adoptant la classification suivante :
- Une catégorie A : réservée à la sortie du statut de déchet, pour des produits pour un usage professionnel ou non professionnel, basée sur les critères actuels de l’A1,
- Une catégorie B1 pour les déchets à usage professionnel en dehors du plan d’épandage, basée sur les critères actuels de l’A2,
- Une catégorie B2 pour les déchets à usage professionnel dans le cadre d’un plan d’épandage, basée sur les critères actuels de B.
Ainsi, on réserverait la lettre A aux produits sans restriction d’usage, et on classerait les déchets entre eux en fonction de leur qualité, soit B1 ou B2.
Télécharger la contribution
Contribution collective en faveur du Socle commun sur les matières fertilisantes
Co-signataires : le Réseau Compostplus, Agrivalor, ABCDE, Moulinot, Green Creative, SPHERE, le Groupement national des Indépendants Hôtellerie & Restauration (GNI), Club Bio-plastiques, Novamont, Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France, Association des Agriculteurs Composteurs de France, France Nature Environnement & Zero Waste France
Le 11 juin 2021
Entretien avec Lise Mopin
Chargée de mission Politique et actions agro-environnementales à la Chambre d’Agriculture de France (APCA).
Le sol joue un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, la présence de matière organique dans les sols permet de stocker d’importantes quantités de carbone, d’améliorer la capacité de rétention en eau et d’apporter les nutriments nécessaires à la vie des sols. Elle présente donc un intérêt agronomique et écologique très important.
Dans ce contexte, le tri à la source des biodéchets et leur compostage constituent une des meilleures garanties pour assurer la production d’un compost de qualité et favoriser ainsi la conservation de l’humus dans les sols. C’est pourquoi les agriculteurs et les producteurs de composts de biodéchets doivent travailler main dans la main pour développer et sécuriser cette filière, en commençant par renforcer la qualité (l’intéret agronomique, l’innocuité) ainsi que la traçabilité, et la responsabilité des producteurs de matières fertilisantes produites à partir de biodéchets ou autres déchets.
Le retour au sol de qualité de la matière organique ne pourra se faire que grâce à une politique renforcée et en se dotant par exemple d’une charte de bonnes pratiques pour définir notamment les engagements de l’ensemble des acteurs.
Sur les plastiques, nous devons protéger nos sols de cette pollution irréversible. Pour cela, il est aussi important de s’engager dans des démarches de qualité de type ISO, labellisation ASQA ou encore certification utilisable en AB pour aller encore plus loin et poser les bases d’une relation de confiance entre agriculteurs et exploitants.
VISER L’EXCELLENCE SUR LA PRÉSENCE D’IMPURETÉS DANS LES COMPOSTS
Dans un contexte mondial où la présence des plastiques dans l’environnement apparaît comme une pollution irrémédiable et une catastrophe écologique et sanitaire, il convient d’adopter les règles les plus strictes quant aux limites autorisées pour ces plastiques dans les matières issues du recyclage. Il en va de notre responsabilité envers la planète et les générations futures.
Aujourd’hui, les valeurs autorisées pour les composts de la norme NF U 44 051 sont excessivement hautes. En effet, la limite actuelle autorise la présence de 1.1% de plastique sur la matière sèche. Ainsi, en prenant une dose moyenne de 15 tonnes de compost à l’hectare, cela revient à épandre une centaine de kilogrammes de plastiques à chaque passage. Ce chiffre est colossal, d’autant que seuls les plastiques supérieurs à 5 mm sont comptabilisés. Et concernant les matières épandues en plan d’épandage, ces limites n’existent tout simplement pas aujourd’hui !
Le projet du socle commun est de ramener cette limite à 0,3% de plastique supérieur à 2mm sur la matière sèche pour toutes les matières, comme le prévoit d’ores et déjà le règlement UE sur les fertilisants. Même si c’est encore perfectible, cette limite apparaît déjà nettement plus raisonnable.
Les plateformes ASQA appliquent ces seuils depuis 2014, et à ce jour aucune n’a présenté de non-conformité sur ce critère. Sur ce critère, la moyenne pour les composts ASQA issus d’un tri à la source des biodéchets est de 0.07% sur matière sèche, soit encore 4 fois moins que ce que prévoit le projet de socle commun. Nous avons de la marge !
Aujourd’hui, Compostplus est la seule association de collectivités à soutenir le renforcement immédiat de ces seuils. Convaincus que cela est souhaitable pour l’avenir de la filière, les sols, les produits agricoles et in fine le consommateur, nous avons démontré par la pratique que cela était faisable.